Le vainqueur des finales nationales Worldskills France, Ticiano Mouazan, se prépare pour la compétition mondiale. Celle-ci se tiendra en France du 10 au 15 septembre prochains dans la Cité des Gones. Coach et candidat livrent leur état d'esprit à cinq mois de l'échéance.
Le Breton s'est imposé lors du stage de départage. Le voici donc embarqué en équipe de France pour défendre le drapeau tricolore lors de la grande finale mondiale de ce concours qui vise à promouvoir les compétences techniques des métiers de l'artisanat. Ces journées viendront clore un travail de longue haleine, engagé depuis près d'un an par cet infatigable compétiteur qui totalise déjà trois médailles d'or dont le titre de l'un des Meilleurs Apprentis de France. Pour disputer les finales mondiales des Worldskills, Ticiano Mouazan a dû faire preuve d'une persévérance sans faille. Il a d'abord dû s'affirmer lors des finales nationales qui ont été particulièrement ardues. Sur 14 candidats, seule une petite moitié a réussi à terminer le sujet. « Elles ont été intenses ! Le mental m'a clairement permis de tenir, nous livrait le candidat à l'issue de la compétition. Le plus compliqué c'est d'être rapide tout en exécutant parfaitement ce qui est demandé pour gagner des points. »
Une sélection plus difficile
Les modalités de sélection étaient, cette année, particulières. Le vainqueur des finales nationales ne se qualifiait pas d'emblée pour les internationales. Il devait aussi passer l'ultime sélection d'un stage de départage. « La note de la finale nationale comptait pour 45 % dans la note finale, détaille Davy Rezeau, coach en charge des finales internationales. Nous avons ajouté une semaine de départage durant laquelle les trois candidats du podium national devaient se départager sur un nouveau sujet. » Celui-ci était, de l'aveu du vainqueur, particulièrement complexe : « Nous travaillons surtout la faïence décorative depuis le début du concours. Mais là, nous avons dû utiliser des grands formats, ce dont nous n'avons pas l'habitude or, il faut souvent être deux pour les manipuler. Nous devions réaliser un muret et une douche à l'italienne. » Les candidats devaient par ailleurs poser une faïence décorative comprenant des découpes compliquées très précises. « L'enjeu est d'être le plus précis possible tout en terminant dans les temps », livre le candidat. S'ajoutait à cette ultime étape, l'épreuve des Softskills. Les candidats n'étaient plus seulement notés sur leurs compétences techniques mais aussi sur leur comportement. Ponctualité, self-control, langage... Leur profil était passé au crible par le jury. « Ce départage permet d'être certain de sélectionner le meilleur profil pour disputer les finales mondiales », défend le coach. Cette ultime épreuve a confirmé le podium des finales nationales puisque chaque candidat est arrivé à la même place.
Une préparation intense
Depuis les finales nationales, l'entraînement du candidat s'est intensifié : « Depuis la finale lyonnaise de septembre dernier, je m'exerce continuellement en plus de mon travail professionnel. Je me prépare au dépôt de mon entreprise mais également au centre d'excellence de Nantes. Je m'entraîne avec Romeo, arrivé second. » Concrètement, Ticiano se rend une fois par mois au Centre d'excellence. Il participe aussi aux salons comme celui de l'Orcab pour lequel il a réalisé le logo. « Cela me fait autant d'entraînements supplémentaires », s'amuse-t-il. Le candidat se prépare sur son temps libre et avance main dans la main avec son coach à qui il envoie des photos de ses réalisations. « Je réalise des grosses journées puisque je commence ma journée professionnelle à 7h20 pour la terminer à 18 heures J'enchaîne ensuite jusqu'à 21h30 mes entraînements personnels, tous les jours ou tous les deux jours selon mon état de fatigue. » Et ce, depuis plus d'un an ! Les week-ends, le candidat s'exerce via des speeds modules. « Il s'agit de réaliser des tâches en moins de 30 minutes. Ces petites épreuves techniques ne figurent plus au programme des finales internationales contrairement aux autres années. Mais elles permettent d'acquérir des automatismes précieux le jour J et d'avoir des temps de référence pour la réalisation de chaque étape. »
La dernière ligne droite
Le jeune carreleur a aussi effectué une semaine de préparation physique et mentale dans les Alpes avec l'équipe de France. « Après cette semaine, notre entraînement va beaucoup s'intensifier pour nous faire gagner en rapidité et monter techniquement. » Le volume horaire doit aussi augmenter pour arriver fin prêts pour l'épreuve finale qui se déroule sur 20 heures. Ticiano a en outre effectué un stage au Danemark. Une initiative qui le confronte à la réalité des finales mondiales. « Cela permet de mettre en parallèle, avant le jour J, nos différentes méthodes et voir les sujets sur lesquels eux s'entraînent. Les Danois par exemple commencent tous leurs ouvrages par le bas. En France, ce n'est pas systématiquement le cas. J'ai aussi découvert leurs outils. Et, par ailleurs, j'ai pu connaître à l'avance un de mes futurs concurrents. » En tout, il va encore effectuer sept programmes de préparation technique. « Un en mai, un autre en juin, puis un en juillet et un en août, détaille son préparateur. Il ne va pas avoir de répit et on va accélérer la cadence et intensifier le niveau. Nous lui donnerons des sujets de plus en plus corsés et il devra être de plus en plus précis. »
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les compétiteurs sont invités à adopter une bonne hygiène de vie. « Pour ma part, je fais de la course à pied. Cela renforce le cardio qui est très sollicité durant cette épreuve particulièrement stressante. Les organisateurs nous encouragent aussi à manger mieux. » Mais, pour ce Breton, pas question de manger que de la salade !
Une finale plus difficile
Cette année, aucune piste n'est donnée pour le sujet. Et c'est plutôt une bonne nouvelle d'après notre compétiteur : « Cela évite notamment que les pays asiatiques arrivent surentraînés. » S'il s'agit de la première année où les candidats n'ont aucune information précise, ils ont quelques suppositions. « Plus ça va, plus le concours porte sur les thèmes proches de ceux rencontrés sur chantier comme la réalisation de douche à l'italienne ou la pose en diagonale. » « L'esprit dans lequel évolue le concours, nous laisse supposer que nous aurons des sujets de type chantier, confirme le coach. On prépare donc les candidats à tout ce qui est douche à l'italienne ou création de vasques. Le format 15x15 cm est aussi peu à peu délaissé. La tendance porte davantage sur le grand format et la pose de grès cérame. On oriente donc davantage les exercices en ce sens. » Les candidats découvriront en principe le thème la veille de l'épreuve et disposeront de 12 heures pour planifier le déroulé de leur épreuve.
Cette année le concours a lieu en France. Un avantage certain quant à la logistique mais pas nécessairement plus simples à gérer pour le candidat tricolore comme le souligne son coach : « Certes, les difficultés d'adaptation sont moindres et cela simplifie le voyage. Mais le revers, c'est qu'il y aura beaucoup plus de public. La famille et les proches vont pouvoir plus facilement venir l'encourager, ce qui risque de générer davantage de stress à gérer pour Ticiano. Comme il sera le candidat français, il aura aussi nécessairement de nombreux supporters et donc plus de pression. C'est pour ça qu'on le met déjà en condition et qu'on lui apprend à rester dans sa bulle. »
Un concours de prestige
Il s'agit de la 47e édition de cette compétition ouverte aux jeunes professionnels de moins de 23 ans l'année de la compétition mondiale. Tous peuvent participer quels que soient leur formation et leur statut. Elle a su, au fil des années, se faire une place sur la scène internationale et fédère de nombreux jeunes autour d'un objectif commun : l'excellence. Ce degré de perfection recherché se traduit par des critères de notation poussés. Planéité, prises de cote, équerrages, aplombs, alignement des joints, découpes... Chaque détail doit être parfaitement exécuté sous peine de pénaliser les candidats. Cette année, pour la première fois, les critères de notation ne seront pas dévoilés à l'avance afin d'éviter l'écueil de certaines stratégies. Bien entendu les classiques demeurent et les candidats savent qu'ils doivent travailler leur parfaite précision. « Ticiano a toutes les chances de gagner : il est très motivé, déterminé et a largement le niveau technique pour y arriver ! », estime Davy Rezeau. « Je suis confiant et je connais mes points forts : je suis minutieux et déterminé, ajoute pour sa part l'intéressé. On n'a pas tous les jours l'opportunité de devenir champion du monde ! »